L’aîné et la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur : mode d’emploi
Votre test est positif et votre conjoint et vous êtes fous de joie : un nouveau bébé va bientôt agrandir votre famille. Pourtant, dans le même instant, une légère inquiétude vous étreint : comment votre grand va-t-il prendre la nouvelle et vivre cette aventure de la fratrie ? Il va falloir articuler votre rôle de parents d’un nouveau-né avec celui de parents d’un aîné, et vous ne savez pas par où commencer. Nous vous dévoilons ici le triptyque pour démarrer une fratrie plus sereinement : expliciter une foule de choses, incorporer votre aîné à la nouvelle aventure, et construire de l’attachement entre les frère(s) et sœur(s).
Un article rédigé par Lucie Remondière
Expliquer
Pour rassurer votre grand. e, il est sans doute judicieux de commencer par éclaircir un ensemble de points : élucider le phénomène de la grossesse en lui-même, mais aussi lever le voile sur les changements apportés au schéma familial.
Expliquer la grossesse et l’accouchement
Il faut être transparent et mettre au clair chaque étape : dès le départ, réussir l’annonce de ce nouveau bébé à venir, puis renseigner l’étrange phase que constitue la grossesse, enfin raconter le dénouement de l’accouchement !
L’annonce de la grossesse
Il est intéressant de connaître quelques erreurs à ne pas commettre :
- informer quelqu’un d’autre avant le futur grand frère ou la future grande sœur. Votre aîné doit être le premier à apprendre que vous allez être parents pour la seconde fois, car après vous c’est naturellement lui le premier concerné. Il est tentant de sauter sur son téléphone, ou dans le bus, pour prévenir sa propre mère, son meilleur ami, etc. Mais il y a alors un risque que cette personne révèle la grossesse à votre grand.e par inattention avant même que vous l’ayez fait et votre grand.e se sentira alors comme la cinquième roue du carrosse.
- forcer l’enthousiasme. On s’attend à des effusions de joie, on guette la petite phrase si mignonne qui rentrera dans l’histoire familiale et on insiste ou on triche pour les avoir. « Tu n’es pas content d’avoir un petit frère ? » « Regarde, mais regarde comme elle est parfaite ! ». L’attachement ne se décide pas, encore moins du jour au lendemain. Il est d’autant plus fort qu’il prend corps spontanément.
- surinvestir les échographies. Points d’orgue d’une grossesse, les trois échographies traditionnelles constituent de beaux moments pour les futurs parents. Il est alors tentant de vouloir que le futur grand frère ou la future grande sœur assiste à ces examens. Ou bien vous n’avez pas de mode de garde et êtes dans l’obligation de l’amener. Mais attention à ne pas vouloir calquer les réactions de votre aîné sur les vôtres. Si votre enfant ne semble pas plus intéressé que ça, c’est tout à fait normal. Même s’il s’agit d’une image, la présence du petit frère ou de la petite sœur à l’écran reste très conceptuelle, surtout si le ventre de la maman n’est pas trop sorti. Et puis décrypter un cliché d’échographie est difficile, d’autant plus pour un jeune enfant qui n’a pas encore parfaitement encodé l’anatomie du corps humain.
Démystifier le déroulé de la grossesse
Véritable petite leçon de sciences naturelles, la grossesse ne doit pas être un sujet tabou pour votre aîné. Ne craignez pas de dire les choses telles qu’elles sont. Expliquer comment la grossesse fonctionne permet de justifier certaines attitudes de la maman (nausées, fatigue, etc.) et certaines nouvelles règles à suivre (si votre enfant est en bas âge, ne pas partager des couverts ou une bouteille, beaucoup se laver les mains, moins réclamer à être porté, etc.).
C’est aussi une belle façon de mieux connaître le corps humain, ses fonctions et le cycle de la vie. Expliquer de façon claire et simple ce qui arrive à votre corps et au bébé montre à votre aîné que vous êtes confiants dans ce qui va se passer et dans vos capacités à le traverser. Non, vous n’aurez pas de bébé comme la Barbie enceinte, donc la paroi du ventre coulisse et fait magiquement apparaître un bébé !
Nous vous recommandons le très beau livre pop-up Quand je t’attendais de Meritxell Marti et Xavier Salomo qui montre les 9 mois de développement du bébé… en taille réelle !
Préparer l’accouchement
Sauf si vous avez choisi un accouchement à domicile, il y a de bonnes chances pour que vous partiez pour la maternité quand votre enfant ne sera pas à la crèche/à l’école ou qu’il n’y soit plus quand enfin vous accoucherez.
Il est donc crucial d’anticiper la personne de confiance qui s’occupera de votre aîné. Discutez-en ouvertement avec lui/elle, proposez-lui peut-être plusieurs personnes pour lui laisser le sentiment d’avoir la main sur ce choix important.
Rappelez-lui régulièrement cet arrangement. Imaginez ensemble ce que votre enfant pourra faire avec cette personne qu’il n’a pas l’habitude de faire avec vous : déguster un plat qu’il aime particulièrement, faire du vélo, se coucher plus tard, etc.
Vous pourriez aussi profiter de votre congé maternité avant l’accouchement pour confectionner un cadeau de vos mains pour votre enfant, à l’instar de Maëva du blog blisscocotte.fr.
Imaginez ainsi une cape de Super grand frère, un sachet de bisous, etc. Cela peut aussi être une petite baguette magique, une coiffe d’indien, un doudou, un coussin, une écharpe, un tableau, etc.
Tout est possible en fonction de vos compétences et de votre créativité. Quoi qu’il en soit, vous montrerez à votre grand. e que vous lui avez consacré du temps et mis beaucoup de cœur à l’ouvrage, entre deux préparatifs pour l’arrivée du bébé.
Si l’on n’est pas doué de ses mains, ou que l’on ne trouve pas le temps, pourquoi ne pas choisir avec soin un cadeau qui fera mouche, en fonction de la personnalité de votre aîné et de ses rêves d’enfant ? N’oubliez pas de rédiger une petite carte que lui lira la personne de confiance pendant votre séjour à la maternité.
Avec la situation sanitaire en lien avec la pandémie de Covid19, les aînés ne sont pas admis dans les maternités ; la grande rencontre avec le bébé est donc retardée à la sortie de l’hôpital, plusieurs jours après. Ainsi, si vous craignez de vous retrouver avec un enfant en pleurs dans le hall de l’hôpital, qui veut à tout prix monter en chambre avec vous pour voir son petit frère ou sa petite sœur, le cadeau prévu peut être une roue de secours pour inciter l’aîné à vous quitter plus sereinement.
[ Lire aussi : Comment aider son enfant à comprendre et gérer ses émotions ? ]
Expliquer la nouvelle configuration familiale
L’étape primordiale consiste à accueillir les émotions et la parole de votre aîné. Il ne faut pas empêcher les réactions terre-à-terre du style « j’aurais préféré un chien » ou « est-ce que je vais garder ma chambre ? » ou même les réactions violentes (« je le mettrai à la poubelle, ce bébé », histoire vraie).
Bien des choses vous semblent évidentes, mais ne le sont pas pour votre enfant. Prenez donc le temps de lui dire que l’arrivée du bébé ne changera en rien l’amour que vous lui portez, que ce nouvel habitant ne prendra pas sa place.
Il n’est pas question d’édulcorer : il ne faut pas cacher que l’adjonction d’un nouveau membre à la famille, au moins pendant un temps, remplira beaucoup vos journées et vos bras. Mais il faut montrer ce qu’il y aura « derrière les nuages » : la constitution d’une jolie petite tribu, un compagnon de jeu tout prêt à se prêter aux fantaisies de son aîné, un allié pour toujours.
Lire ensemble des histoires qui mettent en scène l’arrivée d’un bébé auprès d’un plus grand pourra sans doute aider votre enfant. Par exemple, Petite sœur, d’Iris de Moüy ou Un amour de petite sœur d’Astrid Desbordes et Pauline Martin.
Associer
Une autre étape importante pour placer votre aîné dans de bonnes conditions, c’est l’inclusion. Pensez à le faire participer à la préparation du trousseau de naissance, mais aussi assurez sa présence dès les premiers jours de vie du bébé, et enfin faites écho à sa propre histoire.
Associer au choix de certains éléments de puériculture
La participation aux achats du trousseau de naissance est une façon aisée d’inclure votre enfant dans les préparatifs. Demandez-lui s’il veut bien vous aider à choisir le traditionnel doudou (tout en l’avertissant doucement que le bébé ne portera peut-être pas son choix sur cet objet…).
Confiez-lui d’autres petites décisions comme la couverture du carnet de santé, le premier pyjama, la première turbulette, etc.
Si vous avez du mal à lui déléguer ces choix, effectuez une présélection uniquement constituée de produits que vous aimez beaucoup et laissez complètement la main à votre enfant sur le choix final.
Vous pouvez aussi construire (ou remonter) le lit avec votre grand. e. D’ailleurs, la marque Charlie Crane a imaginé un berceau où il reste à lacer symboliquement les cordons, « un geste à haute valeur affective ». Il faudra aussi, peut-être, visser un portique d’éveil, laver les anciens jouets, ranger les vêtements hérités du grand. e, etc.
La présence de la fratrie au moment de la naissance
Si votre enfant n’est pas encore à l’école ou si ce sont les vacances scolaires, il pourrait être tentant de le mettre au vert chez ses grands-parents autour de la date d’accouchement prévue. Cela vous épargnerait le stress de la garde au moment de partir accoucher, ou vous permettrait de profiter de quelques précieux jours en tête-à-tête avec votre nouveau-né.
Et pourtant il est sans doute plus judicieux de garder votre grand.e près de vous au moment où vos vies à tous s’apprêtent à changer. Ne pas se sentir tenu à l’écart, visualiser par lui-même votre départ à la maternité, vous accueillir à votre retour : tout cela aidera votre aîné à se sentir investi et à s’approprier l’arrivée du petit frère ou de la petite sœur de la façon la plus saine possible.
Créer des ponts entre les deux grossesses
C’est le moment de raconter un maximum d’anecdotes autour de la naissance du grand frère/de la grande sœur, à grand renfort de photographies et d’objets précieusement conservés (les premiers chaussons, le bracelet de naissance, le carnet de ses « premières fois », etc.).
À cette occasion, vous pourrez souligner les ressemblances (peut-être la même maternité, ou la même poussette qui attend) et les différences (cours de préparation à l’accouchement dans l’eau pour l’un, yoga prénatal pour l’autre, etc.).
Lorsque vous feuilletterez les albums photo ou ferez défiler les vidéos, faites remarquer à votre enfant les habits qu’il portait et les jouets avec lesquels il s’amusait et que vous avez préparés ou allez préparer pour le nouveau bébé.
Tisser du lien
C’est peut-être le sujet le plus délicat, car il est ici question du domaine du sensible, fait de mille détails. Il faut alors faire dans la dentelle et réajuster en permanence en fonction des réactions de votre aîné. Il est tout de même possible de dégager plusieurs pistes de réflexion : se laisser, à tous, du temps ; être positif ; laisser vos craintes à la porte ; et se fabriquer de nouvelles habitudes.
Laisser du temps au temps
Lors de la première rencontre, il faut lutter contre l’envie d’être déçu si le grand frère/la grande sœur ne se conforme pas à votre image et ne passe pas de longues minutes béat d’émotion et d’admiration devant votre nouveau-né.
Le miracle de la rencontre peut agir à retardement, plusieurs jours, voire plusieurs semaines, après. Le/la grand.e se laissera conquérir peu à peu par cet adorable petit être sans défense. Il s’apercevra naturellement, de lui-même, de la douceur infinie d’un nouveau-né et remarquera même des détails craquants que vous n’aurez peut-être pas relevés.
Faire de la naissance une fête
L’enthousiasme ne doit pas se forcer, mais il peut se suggérer un minimum. N’hésitez pas à inciter la personne qui garde votre grand.e à faire de votre retour une fête. Votre enfant ressentira une grande joie à confectionner une banderole de bienvenue à placer dans l’entrée, à choisir un bouquet de fleurs ou encore à confectionner un bon gâteau maison. De même, les liasses de dessins sont à encourager. N’oubliez pas qu’une atmosphère festive est contagieuse !
Ne pas se laisser guider par la peur
Il y a vos craintes de voir les maladies infantiles attrapées à la crèche ou à l’école envahir votre nouveau-né. Il y a votre appréhension que votre aîné soit trop brusque ou maladroit avec le nouveau-né.
Malgré tout, veillez à accepter le plus possible que l’aîné embrasse et câline votre bébé.
Créer de petits rituels
C’est bien connu, les enfants sont des êtres d’habitude. Il est donc nécessaire d’instaurer de nouveaux repères à l’arrivée du bébé. Cela rassurera votre enfant et lui donnera un rôle auprès de son frère/sa sœur.
Par exemple, rappelez systématiquement à votre aîné d’embrasser le bébé avant d’aller se coucher.
Voyez avec votre grand s’il est intéressé pour s’investir dans certaines petites tâches comme aider à changer le bébé (cela peut être aussi simple qu’attraper la couche ou fermer les pressions du body), donner un biberon, etc.
Privilégiez, même tout petit, les moments de jeu ou d’éveil, par une lecture commune, ou au sol, en motricité libre. Laissez votre aîné interagir avec le bébé, aller chercher des jouets, quels qu’ils soient même s’ils vous semblent inutiles au début.
Les grands demandent souvent à porter le bébé. Expliquez que ce n’est pas possible pour la sécurité du bébé, mais que vous pouvez lui poser le bébé dans les bras, une fois qu’il est assis.
Et faites-le ensuite autant de fois qu’il le réclame ou presque ! Cela peut sembler fastidieux au début, mais cela aidera vraiment votre enfant à créer un lien d’affection envers le bébé (et accessoirement à prendre conscience de sa fragilité et de la difficulté de la tâche !).
Une fois ces rituels mis en place, une mise en garde s’impose. Il faut éviter de mettre trop de poids sur les épaules de l’aîné. On croit bien faire en répétant tout au long des 9 mois de la grossesse, puis après la naissance, à quel point le grand va être un.e grand.e frère/sœur formidable, à quel point on sait qu’il va nous aider, etc. Mais cela peut mettre une pression démesurée sur votre enfant ! Point trop n’en faut !
Il n’y a pas de recette miracle pour préparer votre aîné à l’arrivée du bébé, il n’y a que de petites astuces quotidiennes fondées sur beaucoup d’amour et de bienveillance. Gardez à l’esprit que le principal consiste à vous détendre, être observateur, rester souple. Et rassurez-vous : quand on y accorde un minimum d’attention, 100 % des aînés ont fini par accepter la présence du nouveau bébé !
Crédit photos : Pexels – Pixabay
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